La jeune chercheuse, au talent hors-norme, se consacre à l’interface cerveau-machine. Consciente des risques d’abus dans l’usage de ses travaux, elle y intègre la protection des données personnelles et l’impact sur la vie quotidienne.
Par Laure Belot Publié le 29 septembre 2020 à 18h30
“Imaginez une paire de lunettes, d’apparence classique, qui, une fois chaussée, soit capable de décrypter en temps réel l’activité cérébrale d’un conducteur et de l’alerter, par une vibration, s’il s’assoupit au volant.
Ce prototype, qui aurait toute sa place dans un scénario d’anticipation, existe bel et bien. Il se dénomme AttentivU et vaut à la chercheuse en intelligence artificielle (IA) Nataliya Kosmyna, 30 ans, d’être fort courtisée. Depuis sa première publication scientifique sur le sujet en octobre 2018, la postdoctorante au Massachusetts Institute of Technology (MIT) a déjà été invitée par une vingtaine d’entreprises, de Google à Facebook, de Microsoft à NTT Data, de Ford à Honda, afin de « présenter le projet et parler d’éventuelles collaborations ». Ces sollicitations se sont poursuivies « même en période de confinement par écrans interposés », précise-t-elle.
Au cœur d’un tel engouement, un sujet de recherche qui nourrit nombre de fantasmes : l’interface cerveau-machine. Dans un français parfait, la jeune femme d’origine ukrainienne, naturalisée française depuis tout juste un an, souhaite d’emblée démystifier sa discipline : « Il ne s’agit pas de télékinésie [faculté paranormale d’exercer une action directe de la pensée sur la matière]. Quand une personne pense à quelque chose ou ressent une émotion, ses neurones émettent des signaux électriques. Mes travaux consistent à concevoir des algorithmes qui apprennent à les analyser et à y associer une commande qui se transmettra par réseau Wi-Fi ou Bluetooth. » Et d’énumérer, dans une société de plus en plus connectée, les applications espérées de ses recherches : « On peut imaginer commander par la pensée un robot, un objet ménager, un fauteuil roulant… »“